goody-two-shoes

Du temps de notre reine Elizabeth d'Angleterre vivait un paysan honnête et vaillant. Mais le propriétaire, un seigneur sans cœur et cruel, le chassa de sa ferme qui lui permettait d'entretenir sa femme et deux enfants, Tommy et Margery. Soucis et malheurs s'accumulèrent et le menèrent à la tombe, suivi de près par sa femme. À leur mort les deux pauvres orphelins se trouvèrent dans une situation critique. Ils manquaient de vêtements chauds et n'avaient même pas deux paires de chaussures pour deux. Tommy prenait la paire car il devait sortir plus souvent que sa sœur qui se retrouva pendant plusieurs années avec une seule chaussure. Monsieur Toutbon, le pasteur de la paroisse, leur offrit un abri. Tommy partit à Londres pour trouver du travail et sa sœur se consola en admirant les souliers neufs que le cordonnier lui apporta. Elle les enfila et se précipita vers la femme du pasteur en criant avec enthousiasme « Deux souliers m'dame ! Deux souliers ! » Elle ne cessait de le répéter à tous ceux qu'elle rencontrait, aussi l'appela-t'on bientôt « la mignonne aux deux souliers ».

Margery était une petite fille sérieuse et elle voulait absolument apprendre à lire et à écrire. Quand le pasteur, M. Toutbon, s'en rendit compte, il prit le temps de lui enseigner ce qu'elle voulait tant apprendre et en un rien de temps elle devint la meilleure élève de toute l'école du village. Elle décida alors d'essayer d'apprendre à lire aux enfants qui ne pouvaient aller à l'école. Et comme à l'époque il n'y avait que très peu de livres imprimés, elles surmonta la difficulté en découpant dans du bois six alphabets de lettres majuscules et dix alphabets de minuscules. Quand, après bien des efforts, elle eut fini de tailler ces lettres en bois, elle réussit à emprunter un vieil abécédaire qu'elle utilisa pour aider ses camarades de classe à écrire les mots qu'elle leur faisait épeler.

Un jour, en rentrant au village, elle croisa un groupe de méchants garnements qui avaient attaché un jeune corbeau à un mât et s'apprêtaient à lui lancer des cailloux. Elle leur proposa de racheter le corbeau un penny ; ils acceptèrent et elle le rapporta au presbytère. Elle l'appela Ralph et c'était vraiment un bel oiseau. Elle lui apprit à dire quelques mots, à attraper des lettres et même à épeler un mot ou deux. Le pasteur pensa que personne ne convenait mieux que Margery qui, malgré son jeune âge, était très sérieuse et en passe de devenir une jeune fille convenable, pour remplacer la maîtresse d'école malade. À partir de ce moment là, plus personne ne l'appela plus la petite aux deux souliers mais Mme Margery et ses voisins l'aimèrent et la respectèrent de plus en plus. Peu de temps après sa nomination, elle sauva une colombe des mains de mauvais garnements et l'appela Tom en souvenir de son frère si loin d'elle et dont elle n'avait pas de nouvelles. À la même époque elle racheta un agneau qui avait perdu sa mère et que son propriétaire s’apprêtait à tuer, et le rapporta chez elle. Des voisins, en voyant son amour pour les animaux, lui offrirent un joli petit chiot nommé Sauteur et une alouette. Maître Ralph était devenu très malin et un petit plaisantin ; aussi quand Will l'agneau et Carole l'alouette débarquèrent à la maison, ce savant personnage composa ce proverbe, au grand amusement de tout le monde : Premiers couchés, premiers levés, Voici venir santé, richesse et sagesse.

Mme Margery était toujours prête à rendre service à ses voisins. Or il arriva qu'un jour un brocanteur venu de Londres lui apporta un nouvel instrument, ressemblant un peu à un baromètre et qui lui permettait de prédire, souvent avec justesse, le temps qu'il ferait avec un ou deux jours d'avance ; ce qui provoqua de grosses discussions dans toute la région. Mais les habitants des autres villages, qui n'avaient pas la même chance, se vexèrent et accusèrent Mme Margery de sorcellerie. Ils envoyèrent le vieux Nick-la-nouille lui porter l'accusation et récupérer tous les témoignages possibles contre elle. Quand ce puits de science l'aperçut devant la porte de l'école, son corbeau sur l'épaule droite et la colombe à gauche, l'hirondelle à la main et l'agneau à ses pieds avec le chiot, il en eut le souffle coupé et s'enfuit en hurlant : « Une sorcière, une sorcière, une sorcière ! » Elle rit de la bêtise de ce benêt et l'appela par dérision « Magicien ! »

... mais la pauvre Mme Margery ne savait pas combien le monde était rempli de folie et de malveillance, et elle ne fut pas peu surprise de voir que ce simple d'esprit de Nicky-la-nouille avait obtenu un mandat d'arrêt contre elle. Ceci peut nous sembler étrange qu'une telle chose puisse arriver ; mais en Angleterre, à cette époque, que d'aucuns appellent « le bon temps d'antan » bien des accusations stupides et scélérates pouvaient survenir, en particulier de la part des riches et des puissants contre les pauvres – choses que l'on ne supporterait plus maintenant. Heureusement à l'accusation : « Ce doit être une sorcière puisque, non contente d'héberger d'étranges créatures, elle est capable de prédire le temps ! » elle put répondre par l'explication du baromètre. Le jury non seulement la relâcha immédiatement mais lui adressa les plus vifs remerciements pour tous les services qu'elle rendait au voisinage.

Sur ces entrefaites, Sir Edward Aimela, qui était veuf, tomba malade et lui demanda de prendre en charge sa maisonnée. Quand il retrouva la santé, il s'était attaché à Mme Margery. Aussi ne nous étonnons pas qu'il l'ait demandée en mariage quand elle parla de regagner son école. La proposition la prit par surprise mais elle lui était très attachée ; et ses amis, Sir Walter et M. Toutbon lui conseillèrent d'accepter en lui faisant remarquer qu'elle rendrait de plus grands services dans cette situation qu'elle ne pouvait le faire auparavant. Le jour du mariage, un spectacle attira l'attention de leurs amis rassemblés devant le porche : un cavalier richement vêtu galopait à bride abattue vers l'église aussi vivement que s'il voulait arriver avant le début de la cérémonie. Il s'agissait du frère de Margaret que nous avons connu précédemment sous le nom de Petit Tommy ; il venait de rentrer d'un pays étranger avec honneur et fortune.

L'histoire de "La petite fille Plus que parfaite aux deux chaussures" a été publiée en Angleterre en 1765 par un éditeur qui s'était spécialisé dans la littérature enfantine. Cette histoire, édifiante et moralisatrice, a remporté un énorme succès populaire à l'époque et connu de nombreuses rééditions. Elle présente un double intérêt supplémentaire : pour sa méthode pédagogique d'alphabétisation, et pour l'épisode d'accusation de sorcellerie. La version illustrée par Walter Crane date de 1873. Traduction en cc-by-sa : Als33120.

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