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LA TRANSFORMATION DE MAITRE TOM, album illustré par Lorenz Frölich en 1869 pour le "magasin d'éducation et de récréation" de Hetzel.

Maitre Tom s'est levé du mauvais pied ce matin ; il s'est habillé n'importe comment ; on dirait qu'il s'est peigné avec un balai ; il ne s'est lavé que la moitié de la figure. Sa maman lui dit de ranger et comment range-t-il ? Et bien, il lance une de ses bottes sur le lit et jette sa brosse par terre ; il renverse les chaises et met tout sens-dessus-dessous. Tom est furieux. Il a en marre de tout le monde, rien ne lui plait et il ne trouve pas grand chose d'aimable dans son propre comportement.

Comme Maitre Tom a décidé de s'habiller n'importe comment, il n'apprécie pas du tout ceux qui font un effort de propreté. Pourquoi les pigeons feraient-ils leur toilette ? Voilà des pigeons qui prennent tranquillement et joyeusement leur bain du matin dans une cuvette pleine d'eau fraiche. Spectacle insupportable pour Maitre Tom ; une idée malveillante lui vient tout à coup.

Chaque fois que Tom a une idée déplaisante, il la met immédiatement à exécution. Le voilà qui donne un coup de pied dans la bassine qui se renverse d'un coup. Et les pauvres pigeons s'envolent à tire-d'aile, terrorisés. Comme c'est drôle ! Tom rit de bon cœur. Je vous promets que si j'étais là, je lui tirerais les oreilles. Regardez comme il est laid lorsqu'il est méchant ! Chaque fois que les gens sont fiers d'avoir blessé ou choqué quelqu'un, ils deviennent répugnants à regarder.

Bien fait pour Maitre Tom, il se retrouve tout seul. Les pigeons se sont envolés hors de portée. Il a beau essayer de les attirer en leur envoyant des grains de maïs, ils se gardent bien de revenir. Ils ne lui feront plus jamais confiance et ils ont bien raison. Malgré leur bêtise, ils savent reconnaître un ami d'un ennemi et c'est en vain que Maitre Tom essaie de leur faire croire qu'il est leur ami.

Maitre Tom cherche une nouvelle victime et finit par en trouver une. Minou aime être propre et fait sa toilette à fond tous les matins. N'est-ce pas une manière de dire à Tom qu'il devrait en faire autant ? Alors, à pas feutrés, Maitre Tom s'approche de Minou par derrière, lève le pied et – Que va-t-il faire ?

Oh le vilain garnement ! Le méchant garçon ! Comme il a dû faire mal au pauvre chat ! Et cet enfant cruel est ravi de l'effet de son coup de pied. C'est son coup le plus réussi de sa carrière. Il a projeté Minou presque aussi haut que les pigeons. Et, en plus, il trouve ça très rigolo de voir le vol plané du chat.

Mais son rire ne dure pas longtemps et Maitre Tom doit vite déchanter. Minou n'a rien d'un pigeon : si on le caresse, il ronronne, si on lui fait mal, il se rebiffe. Et le voilà qui saute à la figure de Maitre Tom, toutes griffes dehors. Il y réfléchira à deux fois la prochaine fois, avant de s'attaquer au chat.

Maitre Tom vient d'avoir bien peur ; le chat a failli lui crever les yeux, mais cela ne lui sert pas vraiment de leçon. Certes, il veillera à ne plus frapper un chat, mais pourquoi pas un chien ? Les chiens sont les amis des hommes, on peut les taquiner autant qu'on veut. Et c'est ainsi que Maitre Tom s'arme d'un baton pointu et découvre un nouveau jeu, au détriment du chien de garde. Sultan a soif et, chaque fois qu'il va boire dans sa gamelle, Tom trouve le moyen de lui piquer le museau avec la pointe de son bâton.

Au début, Sultan le laisse faire. Il est tellement fort qu'il peut se permettre de patienter. Mais, au bout d'un moment, il se fâche et bondit sur Tom. Pendant quelques secondes, Tom a cru qu'il allait se faire dévorer tout cru. S'il n'avait pas été attaché à sa niche, Sultan se serait bien vengé. Quelle peur pour Tom ! Finalement, taquiner les autres comporte parfois des risques...

Et pourtant, comme Maitre Tom s'en est sorti avec une simple frayeur, il continue à s'en prendre à de nouveaux adversaires. Regardez sa grimace et celle de cette énorme bête, ils sont aussi laids l'un que l'autre. Tom est prêt à lui jeter une pierre mais l'ennemi n'a rien d'agréable. Si j'étais à la place de Tom, j'y réfléchirais à deux fois avant de l'attaquer.

Trop tard. Maitre Tom n'a pas pris le temps de réfléchir et il le paie chèrement. Tom-le-taquin saura dorénavant que les cochons (puisqu'il faut bien appeler les gens par leur nom) ne supportent pas qu'on leur jette des pierres. Le cochon est fou de rage et le montre clairement. Il a bien raison, n'est-ce pas ? Quelle que soit l'issue de l'attaque, Maitre Tom a bien mérité son sort. S'il n'en sort pas vainqueur, tant pis pour lui, personne ne va le plaindre.

Heureusement le cochon s'arrête en chemin et Maitre Tom bat en retraite. Mais impossible de maneuvrer aussi rapidement qu'il le souhaiterait car il est en bien piteux état. Voyez comme il marche à tous petits pas.

Maitre Tom est obligé de garder la chambre. Le pansement appliqué sur sa blessure était très douloureux et il ne peut plus bouger ou s'asseoir. On lui a dit que c'était à vif et très gonflé. Il est confiné dans sa chambre pour quinze jours, ce qui lui laisse beaucoup de temps pour réfléchir et repenser à tout ça. Espérons qu'il va tirer profit de cette douloureuse leçon.

Monsieur Cochon (soyons polis avec tout le monde !) est l'auteur d'un traitement médical fantastique – ce qui est bien la preuve que chacun de nous peut être utile en ce bas monde. Grâce à ce merveilleux professeur, Maitre Tom a complètement changé de caractère et de comportement. Du dedans comme du dehors, regardez le changement : Maitre Tom commence à se laver plus soigneusement qu'avant !

Regardez comme il se peigne bien ! C'est bien agréable à voir – on pourrait presque compter ses cheveux un à un. Et il se regarde même dans la glace. Je crois vraiment qu'il essaie de se faire la raie tout seul : et c'est tant mieux pour lui car lorsqu'un petit garçon devient propre et ordonné, ses idées suivent le même chemin.

Le reconnaissez-vous ? Est-ce que ce joli petit bonhomme bien habillé qui se met au travail sans qu'on ait besoin de l'envoyer faire ses devoirs, est-ce le même personnage que le gamin odieux et insupportable, aussi pénible avec les hommes que les bêtes ? Eh bien oui. C'est toujours lui ! Mais méconnaissable !

d'après P. - J. Stahl, « Master Tom's transformation » (Baldwin Library, University of Florida, public domain). Mise en français als33120 (cc-by-sa 20160615) en attendant la numérisation par la BNF de "Jean le hargneux", 1869.

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