Un ete de mante religieuse

Ce matin, sur le rebord de ma fenêtre, une mante religieuse attendait impatiemment de rejoindre son terrain de chasse favori. Avant de la libérer, je lui ai demandé de me raconter son histoire. Assez désabusée, elle m'a répondu que c'était une mal-aimée des hommes, une incomprise ; je n'avais qu'à aller demander à mes amis Mr Wikipedia et à Mme Wikimedia, pour des détails sur sa vie intime, ELLE n'avait vraiment pas de temps à perdre en bavardages.

D'où vient-elle ? De ce tout petit cocon, à peine plus gros qu'une mine de crayon, mais complètement hermétique au froid, à la pluie et au vent. Elle y passe tout l'hiver, bien au chaud, un oeuf parmi des milliers d'oeufs. Au bout de neuf mois, les oeufs tombent du nid, un à un, par une chaude journée de juin bien ensoleillée, puis ils muent en larves. MAIS là, c'est l'hécatombe : fourmis puis lézards se précipitent pour un festin très attendu.

C'est la période de leur vie où les larves de mantes religieuses sont fragiles, sans ailes, inachevées, à la merci de leurs prédateurs naturels : elles ne savent pas encore se défendre. Les rares rescapées ne leur feront pas de cadeau à l'avenir.

 Voici une mante religieuse adulte, de profil. Comme tous les insectes, elle a une tête avec 2 antennes, 3 paires de pattes attachées au thorax ainsi que 2 paires d'ailes repliées au repos, et un abdomen. Elle fait partie des arthro-podes car son corps est formé de parties arti-culées. Elle a une carapace formée de chitine. Qu'est-ce qu'il a donc de spécial cet insecte ? Regardez mieux sa silhouette et ses pattes avant ; ici elles sont au repos, mais elles sont capables de se replier et se détendre vivement, devinez pour quoi faire ! Le contraste est grand entre l'ensemble du corps, d'aspect très pacifique, et cette machine meurtrière. La hanche est d'une longueur et d'une puissance insolites. Son rôle est de lancer en avant le piège. Pourtant la Mante n'a rien qui inspire appréhension. Elle ne manque même pas de gracieuseté, avec sa taille svelte, son élégant corsage, sa coloration d'un vert tendre, ses longues ailes de gaze. Pas de mandibules féroces, ouvertes en cisailles ; au contraire, un fin museau pointu qui semble fait pour becqueter.

 On l'appelle "l'espionne", toute une vie à guetter. Ses yeux, protubérants et très écartés, lui donnent une excellente vision en relief. Elle peut aussi faire pivoter sa tête à 180 °, ce qui lui permet de suivre les déplacements de ses proies sans bouger le corps. A l'affût, parmi les buissons, elle profite des aubaines offertes par le hasard. Immobile, elle surveille l'ennemi, le regard fixé dans sa direction, la tête pivotant un peu à mesure que l'autre se déplace.

La Mante se nourrit exclusivement de proies vivantes. C'est le tigre des paisibles populations entomologiques ; de son regard fixe, elle terrorise sa proie, la paralyse d'effroi. Son attaque est ensuite redoutablement efficace ; elle commence par la nuque. Tandis que l'une des pattes ravisseuses tient la proie harponnée par le milieu du corps, l'autre presse la tête. Elle connaît les secrets anatomiques de la nuque, elle étouffe l'énergie musculaire dans sa source principale.

La mante est une combattante perpétuelle qui livre hardiment bataille à tout ce qui se présente : En garde ! sa cuisse porte à la face inférieure une double rangée d'épines acérées. La rangée interne en comprend une douzaine, alternativement noires longues et vertes courtes. Cette alternance des longueurs inégales multiplie les points d'engrenage et favorise l'efficacité de l'arme. Bref, la cuisse de la mante est une véritable scie à deux lames parallèles.

Fièrement campé sur les quatre pattes postérieures, l'insecte tient son long corsage presque vertical. Les pattes ravisseuses, d'abord ployées et appliquées l'une contre l'autre devant la poitrine, s'ouvrent toutes grandes avant de se projetter en croix.

Nous sommes vers la fin d'août. Le mâle, fluet amoureux, juge le moment propice. Il lance des oeillades vers sa puissante compagne ; immobile, longtemps, il contemple la désirée. Celle-ci ne bouge pas, comme indifférente. L'amoureux cependant a saisi un signe d'acquiescement. Il se rapproche ; soudain il étale les ailes, qui frémissent d'un tremblement convulsif. C'est là sa déclaration. Il s'élance, chétif, sur son dos ; il se cramponne de son mieux, se stabilise. En général, les préludes sont longs. Enfin l'accouplement se fait, de longue durée lui aussi, cinq à six heures parfois, avec une issue fatale pour le mâle qui se fait dévorer à son tour.

Le nid des mantes religieuses est une merveille de la nature. Dans le langage scientifique, on l'appelle une oothèque, une « boîte à oeufs ». La mante travaille dans une position renversée, accrochée à une branche, elle pond ses œufs un par un, tout en les entourant au fur et à mesure d'une écume un peu semblable à de la mousse de savon. Cette écume se compose en majeure partie d'air emprisonné dans de petites bulles, ce qui donne au nid son volume. En fait la mante rejette une composition gluante, analogue au liquide à soie des chenilles ; et cette composition, amalgamée à l'instant avec l'air extérieur, produit l'écume qu'elle fouette (comme nous fouettons le blanc en neige des œufs), pour la faire gonfler et mousser. Une séance de deux heures environ, sans interruption aucune, est nécessaire pour accomplir la totalité de cet ouvrage.

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Auteur (images): wikimedia commons
Auteur (bande son): Annie Lesca
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