les-aventures-de-bichon

C'est d'un joli chiot que je dois vous parler, De race maltaise, tout frisé, blanc et pelucheux ; Son museau était plus rose qu'un coquillage rose, Ses yeux du même rose ; il s'appelait BICHON. Quand il arriva chez sa nouvelle maîtresse, il avait six semaines, il était tout petit et tremblait de peur. Il avait de petites dents pointues et la mordit si fort Qu'elle s'écria : « Oh, qu'il est charmant ce chiot ! » Pour dormir, il se roulait en boule bien serrée, On aurait dit un petit nœud torsadé. Il se faisait les dents sur les barreaux d'un tabouret Qu'il trainait bruyamment par terre jusqu'à sa maîtresse.

Mais un jour, il fit une chute, pauvre petite chose, Et se démit une patte en tombant d'une chaise. Le docteur lui remit soigneusement l'articulation en place et qu'il avait l'air si pâle et si humble pendant tout ce temps. Un jour il s'échappa dans la rue pour jouer Avec ses petits amis (Qui aurait mis sa maîtresse en garde ?) Et s'éloigna trop de chez lui. Un méchant voisin Qui vivait tout près de là l'enleva. Quel drame ! Personne ne réussit à consoler sa maîtresse. Elle pleura et soupira à longueur de journée après sa disparition. Au bout de douze mois et un jour, Elle entendit un aboiement familier à la porte.

Et quand on ouvrit la porte, c'était Bichon, méconnaissable, pitoyable, Mais c'était bien le même chien, un peu faible, Et la chatte, sa vieille amie, le reconnut de suite. Imaginez le bonheur de sa maîtresse ! Elle n'en crut pas Ses yeux quand elle le vit de retour. Il eut droit à d'innombrables nettoyages et frottages Car ses poils frisés étaient tellement emmêlés Que c'était vraiment pénible de le peigner. On dut prendre les ciseaux et tondre soigneusement Son petit dos pour réussir à le soigner vraiment.

Cela n'améliora pas du tout son allure, il avait l'air encore plus faible et plus maigre naturellement. « On risque de le prendre pour un mouton rasé et de le tuer pour en faire un repas », disait-on de lui, Ou pour un petit cochon à la queue en tire-bouchon. Ou bien on aurait pu penser à un lion de blason Sur le bouclier d'un chevalier Qui se traine sur l'estrade où il va bientôt périr.

À quelques jours de là, ah voyez donc Comment même une gentille maitresse peut être inconstante, Elle se fatigua de son chien, enfin je suppose, Et renvoya le pauvre animal en l'embrassant bien fort. Sa nouvelle maison, à la campagne, lui plut beaucoup Et il y coula des jours très heureux, Car lorsqu'il était fatigué de chasser la volaille Il mangeait les cordes du violon et mordait le bébé.

Un jour d'hiver où il faisait très froid et qu'il gelait, Il se mit à gambader sur l'étang glacé de Highgate ; Le vent soufflait fort et l'air était clair, Et chaque étang était couvert de patineurs ; Et malgré le panneau marqué DANGEREUX, Bichon se mit à courir à toute vitesse, sans faire attention, Et finit par tomber, ce qui soit dit en passant montre bien Comme on risque un accident si on néglige la lecture.

Non non, chers lecteurs, il échappa à la noyade Car il fut repêché avec des bâtons et tiré au sec Par des amis fidèles, qui, debout sur la rive, Avaient assisté à sa chute, comme plusieurs étrangers présents. À demi-noyé, en piteux état, il faut bien le reconnaître, Il fut vite reconforté avec du brandy qu'il lapa sur le champ.

On le raccompagna, le réchauffa et le frictionna à fond, Puis on l'enveloppa soigneusement dans une douce couverture. Et il retrouva la santé. On ne saurait trouver son égal, Aucune plume ne saurait le décrire, aucun crayon ne saurait le dessiner. Et en ce moment il se porte bien, Ou du moins, il allait bien la dernière fois que je l'ai vu.

Album de Walter Crane, The adventures of Puffy, 1876 (domaine public). Traduction Als33120.

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